À la recherche de l'excellence

À la recherche de l’excellence

La Fédération Française de Cyclisme (FFC), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et ALTEN Labs ont pour objectif d’améliorer les performances des cyclistes en vue des grandes compétitions, en particulier dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024.

Le temps est un facteur essentiel pour les athlètes pratiquant de nombreux sports, et le cyclisme ne fait pas exception à la règle. Quelques secondes peuvent faire la différence entre une médaille et un souvenir. Beaucoup dépend, bien sûr, de l’athlète – de son entraînement, de son endurance, de sa détermination et de son physique – mais il existe de nombreux facteurs supplémentaires qui peuvent donner à un cycliste l’avantage nécessaire pour sortir vainqueur.   

Les chercheurs d’ALTEN Labs et la FFC se sont penchés sur l’optimisation du contre-la-montre, en utilisant des approches à la croisée de la modélisation physique, du big data et de l’intelligence artificielle. « Nous travaillons avec des athlètes de haut niveau », explique Emmanuel Brunet, responsable de la recherche sur la performance à la FFC. « En ce moment, notre objectif est de préparer les jeux. Nous cherchons à obtenir des médailles. Nous dépensons énormément d’énergie pour gagner un millième de seconde ». 

Gérer l’effort

« Nous nous posons deux questions fondamentales « , explique Sébastien Ricciardi, Chef de projets Sports Science au sein des ALTEN Labs : « Quelle est la gestion parfaite de l’effort et quel équipement dois-je choisir ? »  

« C’est plus ou moins la même technologie que j’ai utilisée lorsque je travaillais sur l’optimisation de la flotte et la planification dans l’industrie aéronautique », poursuit Sébastien. « L’optimisation de la production dans les usines est également assez similaire, on utilise les mêmes méthodologies.  

L’équipe d’ALTEN a commencé par appliquer ses connaissances en physique pour construire un modèle qui offre une vision du système global. « En gros, explique Sébastien, c’est le cycliste combiné à l’environnement : la puissance sur les pédales, la vitesse de rotation des jambes, le vent, la pente. C’est le cœur de notre métier ».  

La gestion de l’effort est considérée comme le cœur de l’optimisation. « La plupart des écoles de cyclisme enseignent à leurs élèves d’être aussi réguliers que possible – ils leur disent que c’est ainsi qu’ils réussiront le mieux. Mais ce n’est vrai que si le parcours est plat et qu’il n’y a pas de vent », précise Sébastien. « Autrement dit, sur un vélo, jamais. 

 

Réduire les variables 

Pour déterminer la meilleure façon de gérer un parcours, Sébastien et son équipe le divisent d’abord en sections. Ils analysent ensuite, en temps réel, la pente, le vent et d’autres conditions pour calculer la puissance optimale que le cycliste doit appliquer dans chaque segment du parcours, dans des conditions normales. Ce calcul est combiné à la puissance normalisée du cycliste, à son poids, à son coefficient de traînée et, bien sûr, au vélo qu’il utilise.   

Le jour de l’épreuve, le vent et les conditions météorologiques sont pris en compte pour obtenir la meilleure formule pour chaque segment.  Ces informations sont utilisées par l’entraîneur pour déterminer le meilleur rapport de vitesse et l’effort à fournir, qui sont ensuite transmis au cycliste par l’intermédiaire des oreillettes.  

Ces calculs et leur mise en œuvre ont permis aux cyclistes français de passer du statut de compétiteur à celui de champion. C’est le cas d’Audrey Cordon-Ragot. L’équipe ALTEN travaille depuis quelques années avec Audrey, le sélectionneur de l’équipe nationale Paul Brousse, le responsable de la performance Emmanuel Brunet, et plusieurs autres membres de l’équipe. 

Une affaire de secondes

« L’apport de l’optimisation stratégique peut être différenciant dans certains cas « , déclare Antony Costes, Chef de projet Recherche et Développement chez ALTEN. « C’est une question de secondes, mais ces secondes font toute la différence. Aux Pays-Bas, en septembre 2022, Audrey a non seulement gagné, mais elle a gagné avec une marge de 3 secondes sur la deuxième place, 10 secondes sur la troisième et 13 secondes sur la quatrième. Dans le cyclisme, c’est énorme. Et là est notre valeur ajoutée ».   

L’entraînement est un élément clé. « Savoir ce qui va être demandé en termes d’effort permet à l’entraîneur de construire le plan d’entraînement de manière à ce que l’athlète soit plus à même de performer dans chaque zone de puissance », explique Sébastien. « C’est vraiment très spécifique à un parcours donné et à un athlète en particulier ».  

Reco Human – un autre programme développé par les ALTEN Labs – utilise des processus d’apprentissage automatique appliqués dans le domaine de la vision par ordinateur. Il permet aux chercheurs d’étudier les vidéos enregistrées lors d’une épreuve, d’analyser la posture adoptée par le cycliste et de mesurer sa progression au cours de l’effort. Ils créent ensuite un algorithme pour quantifier l’impact sur la vitesse, fournissant ainsi une analyse précise et complète de la performance du cycliste. En se basant sur les calibrages aérodynamiques de chaque position, les chercheurs sont en mesure d’évaluer et de conseiller sur la manière dont la posture pourrait être améliorée. Le retour d’information du cycliste est également utile pour apporter des corrections et des ajustements. 

La culture de la persévérance

Emmanuel Brunet revient sur le travail accompli par les partenaires : « Les acteurs de cette collaboration croisent la science et le sport, mettent en œuvre des compétences d’ingénierie variées, explorent les leviers de la performance et leurs effets sur l’allure. Cette collaboration, poursuit-il, peut se concentrer sur un ou deux facteurs, mais elle nous amène finalement à diversifier les compétences et les expertises. Nous sommes au cœur d’une culture de la persévérance, du détail, d’une obligation de qualité et de travail. C’est une vitrine exceptionnelle, mais c’est aussi un levier pour motiver, gérer et stimuler tous les acteurs. »