Faire des jumeaux numériques une réalité au LAAS-CNRS

Faire des jumeaux numériques une réalité au LAAS-CNRS

Entretien avec Georges Soto-Romero

L’innovation n’est pas seulement une question de diplômes universitaires et d’études – elle exige aussi la liberté de rêver, la volonté d’apprendre de ses erreurs et le courage de persévérer. Georges Soto-Romero du laboratoire de recherche LAAS-CNRS, spécialisé dans l’analyse et l’architecture des systèmes, partage son expérience de travail avec une équipe enthousiaste pour faire du concept de jumeau numérique une réalité.   

Comment avez-vous commencé à travailler sur l’idée d’un scan 3D d’un athlète ?

Cela remonte à 2014. J’étais l’un des co-encadrants scientifiques d’une thèse avec la Fédération Française de Cyclisme (FFC) et mon laboratoire, le Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS-CNRS), sur l’effet de la position du cycliste sur le vélo. La thèse a été publiée en 2017 et cela nous a donné une ouverture pour de nombreuses collaborations, certaines académiques, d’autres industrielles. Ainsi, 2014 a été le point de départ du partenariat FFC-LAAS et en 2016 nous avons fait notre première publication sur l’utilisation des scans 3D et de la simulation mécanique des fluides pour l’aérodynamique du vélo.    

A quand remonte votre réflexion avec Antony Costes et Emmanuel Brunet sur l’idée d’un jumeau numérique ? 

Nous nous sommes rencontrés en 2015 lors d’un événement à l’Université de Reims. Antony était doctorant en biomécanique dans notre laboratoire. Emmanuel Brunet était responsable du développement de la recherche à la FFC. C’était le début de notre trio magique, où nos rêves scientifiques ont pris forme. Nous avons commencé à divaguer sur tout ce que nous pouvions faire autour du vélo, de l’équipement et de l’athlète.   

Antony, qui en plus d’être chef de projet en recherche et développement chez ALTEN est également triathlète professionnel, connu pour avoir été le premier Français à passer sous la barre des 8 heures sur la fameuse distance de l’Ironman, nous a servi de bêta-testeur. Nous l’avons scanné de la tête aux pieds, vélo et équipement compris. Nous avons utilisé du talc pour améliorer les résultats du scanner 3D, bien qu’il ne soit pas habituel de recouvrir de talc un athlète de classe mondiale et son équipement. Pire encore, nous n’avons pas pu choisir le scanner 3D que nous utilisions pour cette première expérience, qui s’est donc soldée par un échec, mais nous n’avons pas abandonné. Finalement, le LAAS a acquis un scanner 3D en 2016, puis un autre plus perfectionné en 2023. Nous avons également commencé à explorer la soufflerie numérique, une technologie qu’ALTEN maîtrise très bien. 

A quel moment ALTEN s’est-il impliqué ?  

A la fin de notre étude préliminaire en 2016, nous nous sommes dit : « Génial, maintenant en France on peut scanner les athlètes et faire des souffleries numériques pour évaluer la performance aérodynamique d’un athlète en compétition. » En 2018, nous avons réussi à financer un stagiaire de l’école d’ingénieurs, l’INSA Toulouse, qui nous a fait une base de données de plusieurs athlètes. Lorsqu’ils ont recruté Antony, le groupe ALTEN a rejoint notre partenariat et d’autres choses se sont concrétisées. En 2021, nous avons conclu un partenariat public-privé avec le groupe ALTEN et l’équipe permanente. Le rêve que nous avions caressé tant d’années auparavant commençait alors à devenir réalité.   

En quoi cette rencontre entre la science et le sport était-elle inédite à l’époque ?  

Nous étions intéressés par la vulgarisation scientifique. Nous avons préparé un diaporama du CNRS qui est toujours en ligne, intitulé « Le cyclisme, c’est aussi de la science ». Cela peut paraître évident aujourd’hui, en pleine préparation des Jeux Olympiques, mais en 2016, c’était plutôt précurseur. 

Quel est votre sentiment avec du recul ?  

Aujourd’hui, nous concrétisons des projets qui, sans Lucas Limousin, Yann Nival, Sébastien Ricciardi et bien d’autres au sein des équipes ALTEN, ne seraient restés que des rêves, des choses que nous aurions aimé faire. A l’approche des Jeux Olympiques, il est important d’avoir concrétisé ces rêves. Maintenant, on peut dire à un athlète : « Attention à cette position. Cet équipement, il faut l’optimiser de telle ou telle manière. » C’est un apport considérable, car l’athlète est toujours à la recherche de performance et de rapidité. La réactivité est importante. Bref, maintenant, on a compris. Avant, nous faisions de la recherche académique et nous prouvions que c’était possible. Maintenant, nous maîtrisons la technologie.   

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